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Activité partielle, report de charges, aides financières : comment piloter la DAF en temps de crise ?

Faustine Rohr-Lacoste
Faustine Rohr-Lacoste Spendesk

La crise que nous rencontrons aujourd’hui touche tout le monde et apporte son lot de changements. Particuliers et entreprises doivent s’adapter au contexte actuel, et résister chacun à leur manière.

Pour ce qui est des entreprises, le Gouvernement Français a mis en place de nombreuses mesures afin de les aider à traverser au mieux cette phase d’incertitude.

Dans un tel contexte, quels sont les enjeux auxquels les Directions Administratives et Financières doivent-elles faire face ? Comment piloter son risque, anticiper le futur et s’assurer de prendre les meilleures décisions pour maintenir la pérennité de son activité ?

Afin de répondre à ces questions (et beaucoup d’autres), le mercredi 25 mars nous avons réunis autour d’un webinar deux experts :

Jean-Baptiste Cousin, Directeur Associé chez SMASH : agence spécialisée dans le support opérationnel aux startups et PME, sur les fonctions : finance (DAF/RAF), RH (ADP, Chargé RH), admin (Office Management, Assistant de Direction) et juridique (cabinet d’avocat interne). L’équipe SMASH se greffe à votre organisation et votre culture, en intervenant depuis vos locaux.

Laurent Parras, Avocat en droit Social, associé du cabinet Parras Avocat et co-fondateur du cabinet de gestion externalisée de la Paie Pm Paye aide les startups et structures en croissance à prendre les meilleurs décisions en matière de droit du travail/RH.

Au cours de ce webinar, nous avons parlé chômage partiel, pilotage en temps de crise, préparation de son dossier pour les banques et la BPI, ou encore réflexes du restructuring. Vous pouvez voir ou revoir le webinar à tout moment dans le lien ci-dessous.

Les participants ont pu poser toutes leurs questions en direct. Retrouvez ici les réponses apportées par nos deux experts.

Le pilotage en temps de crise

Quels sont les premiers réflexes à avoir en tant que DAF ?

Lorsqu’une crise s’abat sur votre entreprise, vous êtes comme un voilier pris en pleine tempête ou un avion dans un orage. Avant toute chose il faut rester calme, puis réduire la voilure et faire le ménage dans son poste de pilotage, pour ne conserver que l’essentiel.

Une fois qu’on y voit plus clair, on va pouvoir couper tout ce qui n’est pas vital à l’entreprise. Donc concrètement tous les outils et toutes les charges inutiles à ce moment là. Il faut vraiment rester concentré sur l’essentiel : le cash ! C’est-à-dire les encaissement (facturation et relances) mais aussi les décaissements (fournisseurs métiers et charges fixes).

Côté “encaissement”, il faut porter une attention toute particulière à son délais de facturation. Il est donc nécessaire d’impliquer les équipes métier (et particulièrement les commerciaux). Il faut en parallèle monter une stratégie de “relances de crise”. Le téléphone devient votre meilleur ami pour s’assurer que l’interlocuteur n’est pas en activité partielle ou que la facture suit bien son court chez le client. Il est également fortement recommandé d’être proactif avec ses clients (comme avec ses fournisseurs), pour aller au devant des potentiels retards de paiement.

Côté “décaissement”, il faut savoir débrancher toutes les dépenses non vitales dans un premier temps et très rapidement identifier quel fournisseur peut-être “mis en souffrance” (ie. payer plus tard, ou via un échéancier de remboursement).

Pour suivre les deux types de flux, notre conseil est simple :

  • Monter un “Business Plan Cash” (sur Excel) sous forme de Compte de Résultats (“P&L”).

  • Tenir ce fichier à jour de manière hebdomadaire.

Au delà des outils de pilotage, que faut-il modifier ou mettre en place ?

Après avoir communiqué avec vos prestataires et interlocuteurs externes, il est essentiel de renforcer votre communication interne. Nous vous conseillons de faire un reporting hebdomadaire simple, par mail par exemple, aux dirigeants et managers. Car simplifier la communication c’est permettre une prise de décision rapide. Et le temps, dans la tempête, c’est votre salut.

Il est aussi nécessaire d’impliquer son middle management, sur le même modèle. L’information doit circuler, c’est clé, pour anticiper les problèmes, et surtout pouvoir mettre à jour ses prévisions.

Il faut s’adapter rapidement, mettre en place de nouveaux processus. Mais attention à ne pas confondre vitesse et précipitation !

Quelles sont les incidences sur la place du DAF en interne ? Et donc sur son rôle ?

Cette situation particulière donne au DAF une nouvelle place en interne. Il se retrouve sur le devant de la scène, sous pression, tout le monde attend le meilleur de lui. Il est en effet porteur des bonnes comme des mauvaises nouvelles (et doit parfois revêtir sa casquette de bad cop). La rigueur et la droiture seront de mise.

Il doit donc se mettre en condition, se préparer mentalement et garder son calme, afin d’affronter cette crise sereinement. Par dessus tout, il doit absolument se faire confiance.

Tous ces changements sont imprévisibles, et même si ce n’est pas évident de toujours prendre des décisions avisées, garder sa ligne de conduite est essentiel.

Préparation de son dossier Banque et BPI

Comment se comporter avec sa/ses banque(s) en temps de crise ?

Les annonces gouvernementales sont ambitieuses, mais il ne faut pas oublier ce qu’est une banque et comment elle fonctionne. Elle doit respecter un certain nombre de procédures, ne peut et ne veut pas prendre trop de risques, etc.

Les banques sont elles aussi très exposées en cas de faillite de l’entreprise. Il faut donc comprendre son banquier, ne pas oublier que lui aussi est humain, qu’il doit s’adapter à cette crise comme nous tous. Afin de l’aider, faites en sorte d’apporter un maximum de documentations, d’être le plus clair possible dans votre communication et lui porter assistance si quelque chose n’est pas évident. Il peut être ainsi opportun de prévoir des meetings bi-mensuels pour le tenir au courant de l’état de votre entreprise. Cela renforcera sa connaissance du dossier, et vous permettra de “créer du lien”. De cette manière, le jour où vous serez en difficulté il saura vous apporter les réponses nécessaires rapidement.

Comment maximiser ses chances d’obtention de lignes de prêt ?

Afin de maximiser vos chances soyez transparent et documentez au maximum toutes vos demandes. Nous vous conseillons de préparer un mémo financier qui décrit précisément l’impact du COVID-19 et vos besoins à court-terme. Dans l’ordre vous communiquez d’abord à votre/vos banquiers, puis ensuite à la BPI (l’inverse ne sert à rien). Et pour que ce soit compréhensible, donnez des éléments de langage, démontrez le besoins avec des données simples. Surtout, il faut que vous soyez réactif !

Votre banquier, c’est votre partenaire de confiance, alors allez le voir dès le début, et non pas seulement au moment où ça devient compliqué.

Toutes nos banques nous indiquent qu'elles sont en manque d'informations pour le moment sur la mise en place de relais de trésorerie (prêt avec garantie BPI par exemple). Est ce vrai ou est-ce juste pour nous faire patienter ? Des boîtes que vous gérez ont-elles déjà eu des réponses à ce sujet ?

Avec les différents clients que nous avons, nous avons déjà été en contact avec la BNP, le CIC, la Société Générale, entre autres, et les réponses sont toutes les mêmes. Ils savent ce qu’il faut faire, et surtout ils savent qu’il faut aller voir la BPI qu’après les avoir consulté.

Donc, on en parlait précédemment, dans la situation actuelle il faut contacter son banquier, mais il faut aussi contacter son responsable BPI. Car c’est lui qui va orchestrer les discussions. Afin d’aider le responsable BPI, communiquez lui votre mémo financier, puis mettez-le en contact avec votre banque. Tous deux se synchroniseront pour trouver la meilleure solution pour vous !

Et n’oubliez pas : les banques ne sont pas naïves, elles savent ce qu’il se passe. Donc si elles vous disent manquer d’informations, c’est peut-être le conseiller avec qui vous êtes en contact qui n’a pas encore eu le temps de réunir tous les éléments.

BPI France a annoncé récemment mettre en place un programme d'OC/Bridge pour les startups qui étaient en cours de levée. Avez-vous des informations concrètes ?

Il s’avère en effet que la BPI a monté un fond dédié pour les “bridge”. Mais il est clair que la BPI ne montera jamais seule sur un financement (comme c’est déjà le cas). La BPI étudiera les dossiers pour lesquels les investisseurs historiques remettent au pot. Et fera, au mieux, du 1 pour 1.

Mais attention, l’enveloppe reste limitée. Notre analyse est que peu de dossiers seront éligibles. Nous conseillons donc très fortement de tout de suite discuter avec ses fonds.

Les conditions de ce dispositif semblent être les suivantes (pas de communication officielle à date) :

  • Ticket entre 100k€ et 5M€ (1 pour 1 avec les fonds historiques).

  • Sous forme d’une obligation convertible (taux intérêt à 7%).

  • Remboursable au bout de 18 mois ou lors de la prochaine levée de fonds.

Pensez vous qu'il soit opportun de solliciter des prêts bancaires et auprès de BPI France pour maximiser sa trésorerie ?

C’est l’idée, en tout cas pour les entreprises en réelle difficulté. La BPI n’est pas là pour maintenir un niveau de cashburn d’investissement, mais bien pour empêcher que des entreprises partent au tapis.

Mais en tout cas il ne faut pas hésiter à les contacter, leurs demander un support particulier pour faire face à la crise, notamment via d’autres dispositifs que les prêts : l’affacturage, l’assurance prospection, etc…

En tant que DAF, il est nécessaire d’activer le maximum de piste, d’aller chercher un maximum de soutien. Tout en maintenant une certaine forme d’éthique des affaires. Ça ne peut pas être un simple “sauve qui peut, chacun pour soi”. Et si votre situation n’est pas critique, restez tout de même informé de l’aide qu’ils pourraient vous apporter si, à un moment, ça devient compliqué.

Comment trouver le juste milieu entre “opportunisme” : (prêt PGE, décalage intérêt, BPI, URSSAf) et rationalité, alors que certaines startups ont du cash car elles viennent de lever, et qu'elles peuvent encore tenir une douzaine de mois en scénario dégradé ?

C’est le point macro le plus fondamental en ce moment. Dans le context actuel il faut revenir aux bases. Repensez à comment les choses sont faites en ce moment et pour qui elles sont faites.

Les prêts qui sont en train d’être débloqués, les process que met en place la BPI, toutes les aides bancaires qu’on voit apparaître sont fait pour les entreprises en difficulté avérée. Et particulièrement les entreprises qui sont vraiment en train de se demander comment elles paieront les salaires en mai, ou bien celles qui avaient déjà une assise historique forte.

Il faut distinguer les entreprises qui sont en investissement, des entreprises qui sont en développement. Les aides aujourd’hui sont là pour aider les entreprises qui sont vraiment en difficultés. Forcément, il y a des startups qui vont mourir parce qu’elles n’auront pas aussi facilement accès à des fonds comme précédemment.

Il faut alors se demander si l’aide que vous sollicitez, ne serait-elle pas plus utile à une autre entreprise encore plus en difficulté ? Et surtout, est-ce que vous devez plutôt aller voir l’État ou vos investisseurs ? N’oubliez pas que l’État n’est pas là pour sauver la peau de vos investisseurs.

Paiement de la TVA et autres charges

Du fait de la situation exceptionnelle, sera-t-il possible de repousser le règlement de la TVA mensuelle ?

L’administration française a informé regarder cette question au cas par cas. Mais si vous êtes vraiment en difficulté de trésorerie, il est possible que vous puissiez repousser le paiement de votre TVA. Il faut bien demander à votre comptable de déclarer, comme d’habitude, mais de ne simplement “pas payer”. Il faudra ensuite discuter très rapidement avec l’administration fiscale pour mettre en place un échéancier. Attention cependant, ce levier reste risqué, et peut conduire à des pénalités importantes.

Est-il possible de reporter ou échelonner le paiement des loyers et autres charges (ex: électricité) ? Qui peut y avoir droit et comment faire ?

Le gouvernement a en effet appelé les propriétaires fonciers et les grands fournisseurs (électricité, internet, etc.) de proposer un report systématique de certaines charges fixes. Mais attention : c’est bien d’un report dont on parle, et non d’une annulation des créances !

Plus d’infos : Précisions sur les modalités de report de loyers et des factures d’électricité et de gaz

Si on regarde en particulier les loyers, attention, il faudra assumer ces charges un jour où l’autre. Donc si vous avez la trésorerie à date, nous vous conseillons d’honorer les échéances.

La meilleure chose à faire ici, c’est de contacter son bailleur, et de discuter directement avec lui d’une aide, en report ou en diminution des loyers sur la période de confinement.

Activité partielle : fonctionnement et cas particuliers

Comment fonctionne concrètement le chômage partiel ?

Le chômage partiel a un impact énorme sur la réduction des charges, donc il faut vraiment regarder ça de très très près.

Concrètement cela signifie que les gens ne travaillent plus pour l’entreprise, mais on conserve bien leur emploi (le contrat de travail est simplement “suspendu”). C’est différent du licenciement économique qui viendrait potentiellement plus tard, dans un second temps et dans le cas de grosses difficultés. Là c’est un moyen de conserver ses équipes pour quand la situation sera plus stable.

Les employés au chômage partiel vont toucher environ 84% de leur salaire net (70% du brut). Pour les sociétés relevant de la Convention “Syntec”, le maintien de salaire va de 75% à 95% du brut (selon le niveau de salaire).

Il faut faire attention aussi au fait que tout le monde ne sera pas éligible au chômage partiel ! C’est une aide incroyable de l’État, qui a été particulièrement améliorée au cours des derniers jours, mais tout le monde ne pourra pas en profiter.

Pour vous aider à faire les calculs, vous pouvez aussi utiliser le simulateur créé par SMASH.

Et donc dans le chômage partiel il y a deux choses :

  • La somme versée aux salariés par l’État.

  • La somme que l’entreprise se fait rembourser par l’État.

Il est important de souligner que l’État n’a rien changé sur le montant reversé aux salariés dans le cadre de l’activité partielle, c’est toujours 84% du net et 70% du brut. La loi ne change donc pas pour le salarié, mais bien pour l’employeur. Cela va l’aider à améliorer sa situation et éviter ainsi les ruptures de contrats, de périodes d’essai, etc.

Certaines entreprises, et particulièrement certaines startups, ont une grosse enveloppe de cash (parce qu’elles ont levé ou autre). Et donc tout le monde n’est pas en difficulté aujourd’hui. Mais l’objectif c’est que cette enveloppe de cash tienne le plus longtemps possible.

Dans ce sens, pour faire des économies, on peut se demander si mettre ses équipes en chômage partiel ne pourrait pas être une bonne solution. Certes, s’en est une, mais la vraie question est de savoir si vous y êtes éligible.

Pour être éligible au chômage partiel il y a trois cas de figure :

  1. Vous êtes dans un domaine de l’arrêté, vous avez donc le chômage partiel de droit.

  2. Vous justifiez que, de part votre activité, vous avez besoin d’être au chômage partiel.

  3. Vous n’avez pas de problème particulier, mais vos salariés ne peuvent plus venir travailler, pour des raisons sanitaires.

Attention ! Le 3ème cas est un petit peu “fourre-tout”, donc les demandes faites sur ce modèle peuvent être rejetées si l’argumentaire n’est pas assez bon.

En clair, l’activité partielle est l’idée que l’État donne des fonds à l’entreprise pour éviter le licenciement de ses salariés, ou qu’elle cesse purement et simplement son activité.

Attention, il faut également noter que le chômage technique, le chômage partiel et l’activité partielle désigne exactement la même chose.

Le chômage partiel ne change rien aux autres règles. Le Code du Travail, les prérogatives de l’employeur, les droits des co-contractants restent inchangés. Le chômage partiel permet simplement de recevoir une aide financière de la part de l’État pour mieux traverser la crise.

Quels types de justificatifs vont nous être demandés pour le passage au chômage partiel ? C’est facile de justifier si un client envoie un mail pour reporter la mission, mais comment justifier une baisse d'activité dans 2 mois pour des deals non signés aujourd'hui ?

Dans ce type de situation, tout est question d’explication. Il n’y a pas particulièrement de pièces justificatives à apporter. Faites votre demande, construisez votre argumentaire, et l’État se chargera d’évaluer si oui ou non votre dossier peut être accepté (plus d’infos ici : Employeurs, êtes-vous éligibles à l’activité partielle ?).

Par exemple, si vous vous pouvez toujours travailler, mais que vos prestataires ne le peuvent plus, c’est une bonne justification que vous pouvez donner à l’État.

Dans tous les cas, construisez un dossier où vous allez conserver les mails et la moindre petite pièce intéressante qui permettra de justifier la nécessité de recourir à l’activité partielle, .Gardez ce dossier pour plus tard, pour le cas d’un contrôle a posteriori.

Par contre ce n’est pas ce qui va vous être demandé lorsque vous allez faire la demande sur le site de l’administration. Lors de votre demande on va vous demander de fournir un laïus de 10-15 lignes où vous allez mettre toutes les indications pour guider l’administration dans l’acceptation ou le refus de votre chômage partiel.

Et c’est plus tard, si vous subissez une vérification (et c’est évident qu’il y en aura) qu’il faudra sortir votre dossier de justificatifs. La prescription de cette potentielle vérification c’est 3 ans, donc gardez votre dossier au moins pendant tout ce temps là.

Que conseillez-vous en terme de durée pour l'activité partielle ? Il semble qu'on ne puisse pas faire plusieurs demandes, donc j'ai intérêt à maximiser la durée, mais cela peut-il impacter la décision de la Direccte ?

La demande est d’ordre financier, alors tout simplement, demandez le maximum. C’est-à-dire 1607 heures . Faites ça particulièrement si votre entreprise est en grande difficulté. Et une fois que le demande sera validée, vous pourrez utiliser à loisir ce “stock d’heures” jusqu’au 31/12/2020.

Et ensuite il faut vraiment se poser la question de quel est l’effet de l’activité partielle sur vos charges, et à partir de quand sera-t-il possible de les recouvrir.

La question est vraiment financière, et évidemment dès que la machine repart vous allez avoir besoin de remettre tout le monde au travail.

Puis le chômage partiel est renouvelable si la crise que nous traversons dure trop longtemps.

Existe t-il un délai de prévenance pour mettre un collaborateur en activité réduite ?

Non, aucun !

Peut-on légalement proposer aux salariés de poser des congés payés ou RTT avant de recourir au chômage partiel? Le conseillez-vous ?

Cela est possible pour les jours de congés payés, s’ils sont acquis et maximum 6 jours (avec 1 jour de préavis), mais c’est sur la base d’un accord d’entreprise, qui est un processus lourd. Donc sauf si cela concerne énormément de salariés, ce n’est pas forcément le meilleur recours.

A noter que la convention Syntec permet désormais d’imposer les CP, sans accord d’entreprise.

Pour ce qui est des RTT et CET (Compte Épargne Temps) c’est tout à fait possible, oui, vous n’avez pas besoin de préavis et vous pouvez imposer aux salariés de les poser.

Ça peut aussi être une solution pour les entreprises qui ne peuvent pas continuer leur activité, mais n’ont pas la possibilité de se mettre en chômage partiel. Si cela fait sens et vous permet d’améliorer, à moyen terme, votre trésorerie, vous devriez l’envisager.

Dans le cadre du chômage partiel, cumule-t-on les congés payés ?

Oui, le salarié cumule des CP normalement pendant la période de chômage partiel.

Les Présidents ou Directeurs Généraux de SAS peuvent-il être mis en chômage partiel ?

Les Présidents et Directeurs Généraux de SAS sont des salariés, ils cotisent et ont donc droit au chômage partiel comme tout autre salarié. S’ils n’ont pas de contrat de travail, mais des fiches de paie, cela fonctionne aussi. Par contre, à noter que le gérant d’une SARL ne pourra pas prétendre au chômage partiel, car il n’est pas salarié.

Pour le chômage partiel, faut-il faire une demande d'autorisation préalable par salarié ou pour un groupe de salariés ?

Le principe est que vous demandez à l’administration si vous pouvez, en tant qu’entreprise, recourir au chômage partiel, non pas pour chaque salarié.

Peut-on mettre uniquement les employés d'un département au chômage partiel, et pas les autres ? Quelles sont les règles de répartition du chômage partiel ?

C’est absolument possible, oui. Il n’y a aucune obligation à mettre les salariés sur des temps de chômage partiel égaux.

Il est possible de granulariser le chômage partiel dans votre entreprise. C’est-à-dire, l’adapter à certains métiers dans votre entreprise. Vous pouvez aussi décider que telle personne sera à 100% du chômage, une autre à 50%, puis certaines travailleront que 3 jours pendant 2 semaines, etc.

Peut-on garder des stagiaires (non éligibles au chômage partiel) alors que l'ensemble du département est mis au chômage partiel ?

Du côté des stagiaires, votre pouvoir de direction demeure. Il n’y a aucun contrôle sur vos choix dans cette situation. L’État préconise de demander à leur organisme de formation de repousser leur contrat, de les mettre en “stand-by” pour le moment. Et si ce n’est pas possible, vous pouvez toujours rompre leur convention de stage par lettre recommandée.

Concernant les stagiaires, les écoles nous ont demandé de continuer en télétravail. Est-ce normal ?

C'est normal. Mais à vous de voir, car au plan légal vous pouvez aussi rompre les conventions.

Comment se traduit le chômage partiel pour les salariés qui travaillent 39 heures (quid du salaire net perçu), les heures supplémentaires habituellement travaillées sont-elles couvertes ?

Dans ce cadre là, les heures supplémentaires sont expressément sorties du dispositif par la loi. Les salariés subissent une perte sèche. C’est pour ces raisons que vos salariés auront 84% des 35 heures, et non pas des 39 heures.

Donc les salariés peuvent s’en plaindre, mais il n’y a pas vraiment de réponse aujourd’hui. Vous pourriez éventuellement proposer un complément de salaire, éventuellement sous l’angle d’une prime Macron (plus d’informations plus loin dans cet article). Ce complément n’est pas soumis à cotisations, dans la limite d’une plafond de 4790 euros brut mensuel.

Pour les contrats à 39 heures, l'entreprise peut-elle tout de même prendre les 4 heures supplémentaires à sa charge en cas d'activité partielle ?

Oui tout à fait, c'est même recommandé !

Concernant les heures supplémentaires pendant l'activité partielle, si elles sont contractuelles, n'est-on pas obligé de les payer ?

Non, il n’y a aucune obligation. Elles sont simplement “perdues” pour le salarié.

Est ce que les CDD recrutés pour accompagner la croissance de l’activité sont éligibles au chômage partiel ?

Oui, tout à fait, ils sont des employés comme les autres. Ce n’est pas parce que vous les avez recruté pour accompagner la croissance de l’activité qu’ils ne peuvent pas être mis en chômage partiel.

Nous rappelons, encore une fois que pendant cette période, vous ne perdez aucun pouvoir décisionnel et de direction. Donc libre à vous de les mettre au chômage également. Dès lors qu’une personne est salariée, elle peut être mise au chômage partiel.

Donc vous pouvez mettre en chômage partiel des gens en période d’essai,des gens en alternance, etc. Vous pouvez également rompre les promesses d’emploi en cours, car il s’agit ici d’un cas de force majeure. Pour les licenciements, il faut les mettre en activité partielle avant le prononcé pour pouvoir en bénéficier pendant le préavis (qui n’est alors pas dispensé).

Qu’en est-il pour les salariés au forfait jour ?

Les salariés au forfait jour sont éligibles.

Quid des salariés en arrêt maladie ?

Les salariés en arrêt maladie y restent. Et à leur retour vous pourrez les mettre en chômage partiel au besoin, comme leurs collègues.

En cas de refus de l'activité partielle par la DIRECCTE, y a-t-il des recours possibles sans aller en justice ?

Avec la situation actuelle, aller en justice pour contester un refus de l’administration serait vraiment risqué. Il faudrait éventuellement que vous ayez des centaines de salariés et de très fortes sommes en jeu pour y aller.

Mais ce n’est pas le bon moment pour faire des procédures administratives, même en référées. Aujourd’hui le seul recours que vous avez est de tenter de faire une nouvelle demande.

En revanche, les conséquences sont de deux ordres :

  1. Au niveau du salarié vous allez devoir lui donner son salaire à 100%. Et donc il va falloir vous organiser si vous ne pouvez pas faire travailler vos salariés, mais qu’on vous refuse l’activité partielle.

  2. Le salarié peut contester le fait qu’il était censé travailler et ne l’a pas fait.

Mais schématiquement, dans le contexte actuel, aucun juge ne vous reprochera d’avoir fait ce que vous aviez à faire. Ils vous demanderont éventuellement de payer les salaires que vous auriez dû payer. Mais les conséquences judiciaires resteront à notre sens limitées.

Y-a t'il un risque de reclassement de l'activité partielle par l'administration si la société a du cash (post levée) ? Même si l'activité est vraiment au point mort.

Non, car le cash n'entre pas en ligne de compte.

Avez vous des exemples de dossiers de demandes d'activité partielle refusés ? Si oui, pour quelles raisons ?

Oui, une société d'ambulances par exemples qui a voulu mettre tous ses employés en activité partielle, sa demande a été refusée. Et de manière générale des entreprises qui travaillent dans le domaine du médical. Aujourd’hui on a besoin du corps médical à 100%.

Syntec et salaire

Pour être clair, un salarié au SMIC (Syntec) chez nous, est payé 1 540€ brut soit 1 200€ net. L’administration nous remboursera 1 200€ ou 90% de 1 200€. Pourtant j'ai cru voir que les SMIC étaient 100% pris en compte ?

En effet, vous serez remboursé de 1540 euros, car le remboursement est total au niveau du SMIC.

Pour les dispositions SYNTEC, il y a l'accord 

Oui mais le dispositif actuel le remplace en majeure partie.

Peut-on compléter l’indemnité de 84% (ou 90%) pour que le salarié touche in fine 100% de son salaire net ?

Oui tout à fait, excellente question. Comme nous l’avons précisé précédemment, vous gardez votre pouvoir de décisionnaire. Donc vous pouvez tout à fait décider de compléter l’indemnité pour que le salarié touche 100% de son salaire. Ce sera indiqué par une ligne complémentaire sur le bulletin de salaire de l’employé. Le complément ne sera pas soumis à cotisations (même régime que l’indemnité de 84% dans la limite de 4790 euros). Attention à ne pas discriminer les salariés sur ce terrain i.e prévoir des critères objectifs de différenciation.

La prime macron peut aussi être utilisée, à coté de ce dispositif, pour continuer à compléter le salaire sans charges (ni impôts pour le salarié sur la prime).

Est-ce que la part de l'indemnité complémentaire versée pour maintenir 100% du salaire au-delà des 84% est aussi exonérée des charges sociales/patronales habituelles ?

Oui ce point est désormais tranché, dans la limite précitée de 4790 euros brut/mensuels tout cumuls faits (indemnité de base ET complément). Vous dites que les heures supplémentaires ne sont pas dans le scope.

Pourtant dans SYNTEC il est indiqué que c'est la rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés du salarié qui doit être retenu. Pouvez-vous confirmer ?

C’est bien ça, mais les heures supplémentaires sont expressément éjectées du dispositif.

Vous pouvez revenir sur les 90% pour la convention Syntec ?

La convention Syntec prévoit que le maintien de salaire en cas de recours à l’activité partielle n’est pas de 84% du net, mais de :

  • 95% du brut pour les salaires sous 2000 euros /mois;

  • 80% du brut pour les salaires compris entre 2000 et 3428 euros/mois;

  • 75% du brut au dela de 3428 euros/mois.

La Prime Macron est versable 1 fois par an par salarié j'imagine ?

Non, elle est versable sur les 6 premiers mois de l'année. Et on peut moduler son versement à souhait. Par exemple donner 100 € le premier mois, puis rien les deux suivants, et donner 900€ le troisième mois. La date limite de versement est repoussée désormais au 31/08/20.

A propos de la prime Macron 2 de 1000 euros, est-il possible de la verser seulement aux salariés en chômage partiel et pas aux autres ?

Oui, on peut décider de granulariser à loisir. Vous pouvez choisir de la verser à tous vos salariés, ou bien à certains, à 100% ou non. Vous êtes libre (tout en respectant des principes de non discrimination).

Conclusion

Il ne faut pas oublier qu’en ce moment l’État donne de l’oxygène aux entreprises. Ces mesures ne font que déplacer des “masses” dans le futur, mais elles ne font de cadeaux à personne (mis à part le chômage partiel qui n’est pas dû).

Toutes les mesures qu’on a vu apparaître au cours des dernières semaines ne sont pas totalement inconnues. Elles existent depuis déjà quelques temps, mais elles ont été adaptées pour aider les entreprises dans le contexte actuel.

Dans l’ordre de montée en puissance des dispositifs légaux pour les entreprises en difficulté, il y a :

  • Le mandat Ad Hoc

  • La conciliation

  • Le plan de sauvegarde

  • Le redressement judiciaire

  • L’acquisition judiciaire

Donc renseignez-vous dès aujourd’hui sur le mandat Ad hoc, sur la conciliation, etc. Ce sont des dispositifs qui sont là pour aider les entreprises, qui leurs permettent d’avoir de nouvelles armes pour renégocier, gagner du temps, pour trouver des points d’accord avec les créanciers et les banques.

Toutes les aides et dispositifs pour déplacer des charges ce sont les mécanismes traditionnels du mandat Ad Hoc.

Et attention, non, une boîte sous sauvegarde n’est pas forcément une boîte qui va mal !

Mais vous l’aurez compris, mis à part l’aide de l’État sur l’activité partielle, vous gardez tout votre pouvoir de décision.

Et surtout pas de précipitation, ne prenez pas de décision à la va-vite. Il faut prendre des décisions réfléchies pour ne pas mettre son entreprise dans une situation encore plus compliquée. L’idéal est de faire la demande pour entrer dans le dispositif, puis se réserver le choix (ou non), de demander son indemnisation à l’avenir (délai jusqu’au 31/12/20).

En cas de contrôle à posteriori, ceux qui seront en sécurité sont ceux qui auront été discipliné et auront tout fait dans les normes. Oui c’est la guerre, mais il ne faut pas oublier la discipline !

En résumé :

  • Ayez recours à l’activité partielle si nécessaire.

  • Vous gardez le contrôle et le pouvoir sur les décisions.

  • Ne demandez pas des aides si vous n’en avez pas besoin.

Puis préparez vous à vivre des mois compliqués, alors prenez le temps de vous poser. La fonction de DAF a évolué avec la situation actuelle, donc soyez rigoureux, discipliné parce qu’on vous attendra au tournant (l’État pardonne mais n’oublie pas). Et surtout commencez dès à présent à penser à l’après, à comment vous allez sortir de cette crise, à ce qu’il faudra faire, et assumez toutes ces charges qu’il faudra bien à un moment assumer. Ne les mettez pas sous le tapis.

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