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Laetitia Grand - October
Faces of Finance

Faces of Finance : Laetitia Grand d'Esnon, October

Faustine Rohr-Lacoste
Faustine Rohr-Lacoste Spendesk

Laetitia Grand d'Esnon est CFO chez October, le leader du crowdlending aux TPE/PME en Europe continentale, opérant en France, Italie, Espagne, Pays-Bas et bientôt Allemagne.

Après 20 ans passés dans des fonctions finance de grands groupes, Laetitia a eu envie de se réinventer pour découvrir d'autres structures plus petites, et notamment le monde des startups. Autour d'un café convivial, nous avons échangé sur ses deux volets de carrière et les apprentissages qu'elle a eu plaisir à partager avec nous.

Tu as trouvé ta voie en finance très rapidement. Est-ce qu'on peut parler de vocation ?

Très tôt j'ai compris que je me nourrissais du travail avec les chiffres. Ca ne m'a pas empêché, pendant mes études en école de commerce, de tester d'autres options en faisant des stages dans différents domaines (marketing, communication, vente...). J'ai pu assez facilement confirmer mon appétence pour la finance. On parle rarement de vocation pour la finance mais en tout cas j'y ai très vite trouvé un challenge intellectuel à la hauteur de mes ambitions.

Tu ne taris pas d'éloges sur les 20 années que tu as passées en grand groupe. Ca fait du bien d'entendre ça à l'heure du "corporate" bashing.

C'est vrai que j'ai adoré ces années là. Mon premier poste était chez Deloitte. J'y ai fait de l'audit pendant 4 ans. L'avantage des grands cabinets c'est de pouvoir toucher à plein de domaines et de dossiers, tout en rencontrant des profils très différents.

J'ai passé les 15 années suivantes de ma vie chez Alcatel, l'équipementier télécom. Je ne suis pas gênée de dire haut et fort que j'ai adoré ces 15 années. Alcatel était (malheureusement) une très belle boite du CAC40.

J'ai passé 9 ans à la consolidation pendant lesquels j'ai gravi tous les échelons, de "consolideur junior" à mon arrivée à Responsable consolidation et Reporting du groupe. A la fin des années 90, ce type de trajectoire était encore possible. Ca l'est peut-être moins aujourd'hui.

J'ai ensuite évolué vers d'autres fonctions au sein du groupe. J'ai fait pendant un temps du contrôle financier des sociétés holding du groupe, pour finalement rejoindre le programme SOX. Il s'agit d'une certification américaine à laquelle nous étions soumis en tant que société cotée à la bourse de Paris et New York.

Qui dit "Grand groupe" dit souvent "Projets d'envergure", quels sont les projets sur lesquels tu as travaillé ?

C'est l’un des aspects très formateurs de la vie d'un grand groupe. J'ai travaillé sur de grandes opérations de structure (fusions, acquisitions, cessions). Le plus gros challenge que j'ai eu à relever a été la fusion d'Alcatel avec le groupe américain Lucent en 2006. Rendons-nous compte qu'il s'agit de l'alliance d'un groupe français qui pesait 12 milliards d'euros à l'époque avec un groupe américain qui pesait 9 milliards de dollars. Sacrée affiche !

Le rapprochement était pertinent du point de vue de la conquête de marché. Les discussions entre les 2 groupes avaient déjà débuté en 2003 mais n'avaient pas abouti du fait du veto du gouvernement américain.

Mais en 2006, le défi a été (re)lancé : rendre effective la fusion et produire les comptes consolidés du groupe au 31 Décembre 2006 alors même que le feu vert officiel du gouvernement américain n’était attendu que le 30 novembre de la même année, soit 30 jours plus tôt. Evidemment, on avait pu travailler toute l'année avec les équipes de Lucent mais dans un contexte où on ne pouvait pas vraiment échanger des informations au cas où la fusion n'allait pas aboutir. Rappelons-nous que nous étions 2 groupes concurrents à l'époque. C'était un peu le jeu du chat de la souris. Mais en 1 mois on a relevé le challenge de sortir les comptes consolidés. Au passage, j'ai découvert ce que c'était de travailler avec un groupe américain.

Tu as un exemple de différence culturelle qui persiste encore aujourd'hui ?

Quand j'ai rejoint l'équipe SOX au sein d'Alcatel-Lucent, j’ai vite compris que les Français n’aimaient pas vraiment le sujet... Pour redonner un peu de contexte, la loi SOX (Sarbanes-Oxley) est une certification imposée par le régulateur américain aux groupes cotés aux US, dont le but est de valider la pertinence et la force du contrôle interne dans un souci de transparence financière. Du côté français, c'est perçu comme un excès de formalisme. Alors que SOX peut être un système très vertueux. C'est vraiment un gage de qualité de l’information et des flux financiers. Mais quand tout le monde n'est pas convaincu de la pertinence du dispositif, on se met vite à ramer à contre-courant au sein de l'organisation.

Après Alcatel, tu opères un virage à 180° pour rejoindre une jeune startup. Pourquoi une telle décision ?

On est 2014, à ce moment là et je me suis dit : soit je finis ma carrière chez Alcatel-Lucent, soit c'est le moment de partir. J'ai rejoint un ancien directeur du groupe qui avait fondé sa startup 2 ans auparavant. J'avais envie de ce changement mais je voyais bien aussi le challenge : passer d’un groupe du CAC40 à une startup de 20 personnes.

Evidemment, le plus gros changement a été de (re)découvrir la proximité avec l'opérationnel. En grand groupe, je ne voyais plus le résultat de mes actions. Sauf peut-être lors de ma dernière expérience chez SOX. L’empilement des strates décisionnelles peut être frustrant. Et ça l'était devenu pour moi avec le temps.

Chez Videodesk, j'avais carte blanche. J'ai tout mis en place et tout structuré, fait grandir une filiale aux Etats-Unis et vécu ma 1ere levée de fonds. Au final, j'ai adoré !

Venons-en à ton arrivée chez October. Quels sont les défis que tu dois relever ?

Je suis arrivée chez October en Juin 2019. C'est une société en forte croissance sur une activité très surveillée. Mon premier défi c'est de renforcer l'équipe existante en recrutant. Ca me permettra de me dégager du temps pour pouvoir réellement commencer à structurer et automatiser l'activité et pas juste produire au quotidien.

Mon second défi c'est la mise en place de nouveaux outils. On travaille beaucoup sur Excel aujourd'hui. Un certain nombre de tâches sont manuelles et donc chronophages. Dans ce contexte, le fait de choisir et d'implémenter un ERP n'est pas une priorité immédiate car c'est un projet tentaculaire avec beaucoup d'implications. Je préfère ne pas me précipiter et prendre cette décision en concertation avec le reste de ma future équipe.

S'avoir s'adapter fait-il partie du socle de compétences d'un CFO moderne selon toi ?

L'adaptation fait partie du socle de compétences que tout un chacun doit avoir dans le monde d'aujourd'hui.

Une de mes plus grandes fiertés c'est d'avoir réussi à m'adapter à un environnement startup où j'avais considérablement moins de moyens qu'avant. Par exemple, chez Videodesk, on a fait notre crédit d'impôt seuls pour plusieurs centaines de milliers d'euros alors qu'on était sollicité par différents cabinets. Le contrôle fiscal que nous avons eu a confirmé l'attribution du crédit d'impôts à 100%, sans aucune correction.

Pour moi, la compétence clé du CFO moderne c'est d'être à l'écoute pour comprendre le métier et les besoins des équipes, recueillir les bonnes informations, et ainsi prendre des décisions pragmatiques. A la finance, je suis au service des opérationnels comme du management. Je dois d'un côté m'adapter au maximum aux contraintes et aux obligations des équipes opérationnelles, et de l'autre côté ne pas être une source de préoccupation pour le management, tout en jouant mon rôle de lanceur d'alerte. Ca demande un sens aiguë de la communication et une grande adaptabilité.

De quoi as-tu besoin pour donner le meilleur de toi-même ?

Travailler dans un environnement humain est vital pour moi. Je repère d'ailleurs de plus en plus vite les signaux qui m'indiquent que je suis dans une entreprise où règne la bienveillance. Je trouve ça dommage d'ailleurs que la "bienveillance" soit devenu un concept galvaudé. Ce n'est pas parce qu'on est dans un environnement bienveillant qu'on ne peut pas dire les choses avec honnêteté. "Sans la liberté de blâmer il n'est point d'éloge flatteur" comme écrivait Beaumarchais. Dire les choses de manière franche c'est une forme de respect. C'est la philosophie du CEO à laquelle j'adhère. Un autre aspect de la culture d'October, que je prends plaisir à découvrir c'est la rencontre entre générations. Entre les jeunes des générations X et Y et le management plus senior, on se nourrit mutuellement au quotidien. J'ai beaucoup à apprendre d'eux et j'espère avoir autant à leur apprendre. De toute façon c'est dans l'intelligence collective qu'on résout un maximum de problèmes.

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